Lettre aux
organisations et personnes en France, avril 2015

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En avril 2015, le Comité de soutien à Hassan Diab a envoyé la lettre suivante aux organisations de la société civile et aux particuliers en France. La lettre vise à les informer sur les faits importants dans le cas du Dr. Diab, et de souligner les questions d’équité, l’application du procès en bonne et due forme et les droits humains en jeu dans le cas de Hassan.


Objet: Hassan Diab – Nous avons besoin de votre appui

Madame, Monsieur,

En tant que membres du Comité de soutien à M. Hassan Diab, soucieux de justice sociale et inquiets à son égard, nous sollicitons votre aide dans le but de veiller à ce que M. Diab soit traité et jugé équitablement, à l’égal de toute personne mise en accusation en vertu du droit français.

De nationalité canadienne, M. Diab a été extradé en France en novembre 2014, accusé d’avoir participé à l’attentat contre une synagogue de la rue Copernic à Paris en 1980. M. Diab est innocent et n’a aucun lien avec le crime perpétré en 1980. Ses empreintes digitales et celles de sa paume ne correspondent pas à celles du suspect. Il n’est pas antisémite et condamne toute forme de fanatisme et de violence. Amis et collègues ont témoigné par écrit du caractère humaniste et pacifique de M. Diab. Certaines de ces lettres peuvent être consultées sur le site : http://www.justicepourhassandiab.org/temoignages

Mis en examen, Hassan Diab est actuellement incarcéré près de Paris. Sa détention pourrait durer deux ans jusqu’à ce que le juge d’instruction décide ou non de le traduire en justice.

On peut se demander pourquoi il faut particulièrement s’inquiéter des procédures concernant M. Diab. La réponse est que des hommes et des femmes sont parfois condamnés et punis à tort, même dans les meilleurs systèmes de justice. Selon nous, le risque de voir Hassan Diab condamné injustement est plus élevé à cause des circonstances qui entourent son cas.

  • M. Diab a été extradé en France sur la base d’une analyse graphologique extrêmement douteuse, discréditée par cinq graphologues de réputation internationale. Deux analyses ont été retirées quand on a prouvé que M. Diab n’était pas l’auteur des écrits « concordant » avec ceux du suspect. En France, néanmoins, ces analyses ont été maintenues au dossier et risquent fort d’être utilisées dans un procès contre M. Diab.
  • Les charges pesant contre M. Diab reposent sur des informations secrètes, émanant de sources inconnues et dont la fiabilité ne peut être avérée. Au Canada, ces informations ont été retirées des actes du procès vu le caractère extrêmement problématique de ces « preuves ». En France, néanmoins, ces informations ont été maintenues au dossier et risquent fort d’être utilisées dans un procès contre M. Diab.
  • Selon le juge canadien chargé de statuer sur l’extradition, la preuve contre M. Diab est « très problématique », « alambiquée », « très confuse » et « suspecte ». Il a ajouté que « la perspective d’une condamnation à l’issue d’un procès équitable semblait peu plausible ».
  • Le désir est très vif de pouvoir enfin juger les auteurs d’un crime meurtrier qu’on n’est pas parvenu à résoudre depuis des décennies.
  • Les accusations sont exprimées en termes politiquement et émotionnellement chargés, comme « terrorisme » et « antisémitisme ».
  • M. Diab a été arraché à tout soutien moral : famille, amis et sympathisants demeurés dans son pays, le Canada. Il doit se défendre dans une langue et un système juridique qui ne lui sont pas familiers.

En résumé, nous redoutons que ces facteurs réunis n’entament la présomption d’innocence et n’augmentent le risque d’une condamnation arbitraire.

Ce que vous pouvez faire pour aider

Nous espérons que vous vous joindrez à ceux qui soutiennent M. Diab en France. Il est impératif qu’en France des gens gardent un œil vigilant sur le cas de M. Diab et s’expriment ouvertement sur les faits qui le sous-tendent. Votre soutien est essentiel pour empêcher la condamnation d’un innocent.

Il ne faudrait pas qu’Hassan Diab affronte une vie en prison pour un crime qu’il n’a pas commis et en totale contradiction avec les valeurs qu’il a toujours défendues. Il est impératif que les vrais coupables de l’attentat de la rue Copernic soient traduits en justice sans qu’un homme innocent soit puni pour ce crime atroce.

Pour toute question ou suggestion en vue d’une collaboration, n’hésitez pas à nous écrire.

Recevez, Madame, Monsieur, nos sincères salutations.

Le comité de soutien à Hassan Diab
http://www.JusticeForHassanDiab.org
diabsupport@gmail.com

Avril 2014


Contexte

D’origine libanaise, M. Hassan Diab est de nationalité canadienne. Professeur de sociologie, il a vécu et enseigné à Ottawa. Jusqu’en novembre 2008, il menait la vie productive d’un enseignant et d’un chercheur, publiant et voyageant à l’étranger. Sa vie a basculé de façon tragique quand l’État français a demandé son extradition pour sa participation supposée à l’attentat perpétré contre la synagogue de la rue Copernic à Paris en 1980. Les allégations reposent sur des éléments profondément douteux, dont une analyse graphologique totalement erronée et des informations émanant de sources inconnues.

Le principal élément de « preuve » utilisé pour extrader M. Diab est l’analyse graphologique de cinq mots écrits en majuscules par le suspect sur une fiche d’hôtel en 1980. Deux graphologues français ont affirmé que l’écriture de M. Diab ressemblait à celle du suspect. Or, à leur insu, ces graphologues ont fondé leur expertise sur des échantillons d’écriture qui ne provenaient pas de M. Diab. Lorsque les avocats de M. Diab ont prouvé qu’il n’était pas l’auteur des échantillons manuscrits qu’on lui attribuait, les autorités françaises ont retiré leur analyse, soumettant des mois plus tard une « nouvelle » expertise graphologique. Cette nouvelle expertise répétait que l’écriture de M. Diab ressemblait à celle du suspect. Cinq graphologues de réputation internationale (d’Europe, du Canada et des États-Unis) ont attesté que cette analyse effectuée en dehors de toute méthodologie reconnue était totalement erronée. De plus, ils ont montré qu’une analyse graphologique en bonne et due forme devait exonérer Hassan Diab. Néanmoins, tous les trois analyses ont été maintenues au le dossier français et risquent fort d’être utilisées dans un procès contre M. Diab.

Les charges qui pèsent contre M. Diab émanent d’informations secrètes. Nul ne connaît la source de ces information ni les circonstances dans lesquelles on les a obtenues. On soupçonne qu’elles ont pu être obtenues sous la torture. Durant sa déposition au procès d’extradition de M. Diab, M. Kent Roach, professeur de droit à l’Université de Toronto et expert en matière d’anti-terrorisme, a exprimé la crainte que les enquêteurs n’aient agi avec des visières en ne sélectionnant que les informations qui convenaient à leur théorie, ignorant tout ce qui pouvait exonérer M. Diab. Il a mis en garde contre le danger d’une privation de liberté qui reposerait sur des informations secrètes, émanant de sources inconnues, invérifiables et ne pouvant être testées devant les tribunaux. Quelques mois plus tard, le procureur de la Couronne (représentant la France) a retiré ces informations des actes du procès d’extradition, reconnaissant le caractère extrêmement problématique de cette « preuve ». Néanmoins, ces informations demeurent dans le dossier français et seront vraisemblablement utilisées contre M. Diab.

Fait important, selon le juge chargé de statuer sur l’extradition, la preuve contre M. Diab est « très problématique », « alambiquée », « très confuse » et « les conclusions sont suspectes ». Il a ajouté que « la perspective d’une condamnation à l’issue d’un procès équitable était peu « plausible ». Toutefois, en vertu du droit canadien, il s’estimait obligé d’autoriser l’extradition de M. Diab.

Le cas de M. Hassan Diab présente quelques similitudes troublantes avec l’affaire Dreyfus qui s’est déroulée en France à la fin du 19e siècle. Alfred Dreyfus, officier d’infanterie, fut condamné à la prison à perpétuité sur la base d’informations non avérées et d’une analyse graphologique fallacieuse dans un contexte de racisme et d’antisémitisme. Heureusement, une forte opposition émanant de divers segments de la société française obligea le gouvernement à rouvrir le dossier, ce qui mena à l’acquittement de Dreyfus.

M. Diab a le soutien de nombreuses organisations de la société civile et de milliers de personnes à travers le Canada. De nombreuses organisations universitaires, syndicales ou qui militent pour les droits humains ainsi que des organisations juives ont exprimé de profondes inquiétudes envers les preuves invoquées. Citons, à titre d’exemple, Amnesty International Canada, l’Association canadienne des libertés publiques de Colombie-Britannique, l’Association canadienne des professeurs d’université, l’Association canadienne des libertés civiles, Voix Juives Indépendantes – Canada, Canadian Unitarians for Social Justice, la Coalition pour la surveillance internationale des libertés civiles et le Syndicat canadien des travailleurs et travailleuses des postes.


Références